RDC : au procès de l’ex-chef rebelle Roger Lumbala, les enquêteurs détaillent une investigation « longue et complexe »

RDC : au procès de l’ex-chef rebelle Roger Lumbala, les enquêteurs détaillent une investigation « longue et complexe »

Une semaine après l’ouverture du procès de Roger Lumbala à Paris, l’ancien chef de guerre congolais, poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité, refuse toujours d’apparaître dans le box des accusés. Lors des audiences de mercredi et jeudi, la cour a entendu le principal officier de police judiciaire chargé du dossier, venu exposer les méthodes et obstacles qui ont marqué cette enquête hors norme.

Une enquête minutieuse fondée sur témoignages, archives et recoupements

« L’enquête a été longue, exigeante et complexe », résume d’emblée le directeur d’enquête. Pour établir la responsabilité de l’ex-chef du RCD-N, les gendarmes ont procédé à un recueil systématique de témoignages, à des reconstitutions, ainsi qu’à l’analyse de rapports d’ONG, de documents de presse et de dépositions faites devant la Cour pénale internationale.

La première phase de l’enquête préliminaire permet de confirmer que les troupes du RCD-N ont bien commis des violences systématiques dans l’Ituri au début des années 2000. Les enquêteurs concluent alors que Roger Lumbala, en tant que cadre politique et militaire du mouvement, « ne pouvait ignorer les exactions commises sous son autorité ».

Après son arrestation, en décembre 2020, une information judiciaire est ouverte. Mais la dégradation de la situation sécuritaire en RDC empêche toute mission sur le terrain. Les investigations reposent donc sur les éléments saisis au domicile de l’accusé et sur l’audition de témoins.

Des écoutes téléphoniques révélatrices : influence persistante et pressions

Malgré sa détention, l’accusé conserve, selon les enquêteurs, une « forte capacité d’action et de contact ». Les écoutes de ses conversations depuis la prison montrent qu’il cherche à joindre des personnalités influentes et des journalistes en RDC, et qu’il évoque des témoins cités dans la procédure.

Les gendarmes tentent alors d’obtenir de nouveaux témoignages, mais se heurtent à de nombreux refus. « La crainte pour leur sécurité était très régulièrement évoquée », explique l’officier, interrogé sur les pressions ressenties par plusieurs proches et témoins.

Un cas retient l’attention de la cour : celui de Sacré Mbuyamba, considéré comme un proche de Lumbala. Venu témoigner en France, l’homme reçoit pendant son audition plusieurs appels d’un certain « Papy », identifié comme un relais du camp Lumbala. Après son retour en RDC, il envoie un courriel aux enquêteurs copie aux avocats de la défense indiquant qu’il souhaite « refaire » son témoignage après avoir été mis au courant du procès-verbal… par la défense elle-même.
Une violation flagrante du secret de l’instruction, souligne le gendarme, qui estime que l’affaire illustre les tentatives d’interférence autour du procès.

Au terme de cette séquence, l’officier insiste : les pressions ont affecté à la fois les témoins à charge et les témoins proches de Lumbala, renforçant la complexité du dossier. L’absence de l’accusé dans le box empêche toute confrontation directe avec ces éléments.

Les anciens enquêteurs de l’ONU confirment les liens entre Lumbala et le RCD-N

Une autre partie importante des investigations repose sur des documents et témoignages issus de la Mission de l’ONU en RDC (Monuc). Deux anciens enquêteurs viennent à la barre confirmer les conclusions de leurs travaux sur l’Ituri en 2002.

La fonctionnaire onusienne Sonia Bakar explique avoir contribué au rapport S/2003/674, après un déplacement en Ituri début 2003. « Mon rôle était de transmettre les informations dont je disposais sur les victimes », précise-t-elle, insistant sur le caractère collectif du travail.

Dans l’après-midi, le second enquêteur, Pierre-Antoine Braud, répond à un flot de questions après la levée tardive de son immunité. Il confirme que le RCD-N participait bien à l’opération “Effacer le tableau”, une campagne marquée par des atrocités, et que le mouvement était dirigé par Roger Lumbala.

Évoquant les pillages, le président de la cour lui demande ce que l’on peut acheter « avec un dollar » à l’époque. « Une grenade, mais aussi de l’eau. Le riz ou les pommes de terre coûtaient moins cher », répond Braud, illustrant la facilité avec laquelle les groupes armés pouvaient se procurer des armes.

Les deux enquêteurs détaillent les violences commises dans le territoire de Mambassa entre octobre et décembre 2002, en particulier contre les populations pygmées, victimes d’une déshumanisation extrême.

La cour examine désormais la compétence universelle

Jeudi en fin de journée, le président de la cour annonce mettre en délibéré la question centrale de la compétence universelle, mécanisme qui permet à la justice française de juger des crimes commis à l’étranger lorsqu’ils relèvent de la gravité des crimes contre l’humanité.

Estimant disposer d’éléments suffisants, il doit rendre sa décision ce vendredi, une étape décisive dans ce procès suivi de près par les défenseurs des droits humains et les familles de victimes.

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